Avec United Dances of America, l’Opéra Grand Avignon présentait hier trois œuvres de jeunes chorégraphes d’outre-Atlantique, magistralement interprétées par le Ballet de l’Opéra. Le titre même du spectacle, qui renvoie malicieusement aux États-Unis d’Amérique aujourd’hui plus divisés que jamais, résume son propos : un bouleversant appel à la liberté et à la tolérance, notamment mais pas seulement en matière d’orientation sexuelle.

Variations sur la couleur et le rythme, This That & The Third apparaît comme une œuvre graphique contemporaine en mouvement, la danse, la lumière et le son se mêlant étroitement pour produire une succession de déflagrations esthétiques absolument fascinantes. Comme le titre de l’œuvre l’annonce clairement, il s’agit d’une réflexion sur le genre, qui contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, ne saurait être binaire.

Variations sur la chair et la voix, Holy est une performance chorégraphique interprétée par deux danseurs nus, s’appuyant successivement sur un poème de l’un des papes de la Beat Generation, Allen Ginsberg, et sur la musique des Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach (le son du violoncelle étant par sa tessiture celui qui se rapproche le plus de la voix humaine). Le titre de cette œuvre charnelle questionne une autre catégorisation arbitraire, celle entre le bien et le mal ou encore entre le sacré et profane. Pour Ginsberg, tout ce que notre Créateur (quel que soit le nom qu’on lui donne) a produit ne saurait être que sacré.

Variations sur le blanc c’est-à-dire la non-couleur, Mythology est une œuvre beaucoup plus abstraite, dans laquelle la poésie, la musicalité et la danse se fondent pour produire une forme signifiante. Comment la pensée se matérialise en une œuvre d’art pour communiquer un sens ? Telle est la réflexion que nous propose cette performance hypnotique.

Loin d’être une succession arbitraire de trois œuvres chorégraphiques, on le voit, United Dances of America nous interroge sur les notions de nature et de culture qui par leur opposition mais aussi par leur fusion sont à la source de cette notion d’Humanité toujours en devenir… et en péril.

Un spectacle magistral longuement ovationné par le public de l’Opéra. Un choix courageux de programmation à une époque où les valeurs de liberté et de tolérance sont si violemment attaquées partout dans le monde. La liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas…

À voir ce dimanche encore à l’Opéra Grand Avignon.

Critique de Jean-Pierre Martinez