J’ai soif d’après Primo Levi et Joseph Haydn

Les 2 et 3 octobre 2020 à 20h
Théâtre du Balcon – 38, rue Guillaume Puy – 84000 Avignon

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Il est paradoxal de trouver beau le témoignage de l’horreur absolue, tel que Primo Levi nous le livre dans Si c’est un homme, écrit juste après sa libération du camp d’Auschwitz. Et on éprouvera donc aussi un certain malaise à dire que J’ai soif est un beau spectacle. Un spectacle qui, justement, nous interroge sur la fonction de l’art pour dire l’indicible. Le témoignage de Primo Levi nous montre qu’on ne peut vraiment saisir ce qu’est l’humanité qu’à travers l’expérience de la déshumanisation. Et seuls les mots de l’écrivain peuvent traduire l’inhumain dans un langage compréhensible par l’Homme.

Serge Barbuscia, qui signe aussi la mise en scène, incarne ici avec une extrême simplicité la désincarnation presque totale de ces morts-vivants que les nazis avaient dépouillés de toute humanité avant même de leur ôter la vie. Comme une âme errante, il tourne en rond sur la scène en suivant la spirale qui, tel l’œil d’un cyclone ou le siphon d’un lavabo, l’entraîne irrémédiablement vers le fond. Mais cette spirale est composée des feuilles blanches d’un livre qui reste à écrire, et au cœur de ce trou noir se trouve un piano. Par les mains virtuoses de Roland Conil, ce piano fait résonner la musique sublime de Haydn, au lieu de la fanfare monstrueusement grotesque du camp de concentration d’Auschwitz. Par la bouche sèche du prisonnier qui a soif, les mots de Primo Levi nous donnent également à entendre que celui qui traite un homme comme un objet se condamne lui-même à n’être plus qu’une chose qui agit face à une autre qui subit. C’est-à-dire un robot. Nier à l’autre son humanité, c’est nécessairement perdre la sienne.

Oui, J’ai soif est un beau spectacle, d’abord par le message d’espoir qu’il nous transmet. L’Humanité doit survivre. Et elle ne survivra que si dans ce monde tourmenté qui est le nôtre, on laisse une place à la beauté. Un message plus que jamais d’actualité aujourd’hui.

Critique de Jean-Pierre Martinez

Cie Serge Barbuscia
D’après « Si c’est un homme » de Primo Levi
Et  « Les sept dernières paroles du Christ en Croix» de Joseph Haydn.

Dramaturgie : Pieralberto Marchesini, Serge Barbuscia
Metteur en scène : Serge Barbuscia
Acryliques : Sylvie Kajman
Vidéos lumières : Sébastien Lebert
Conçu et interprété par : Serge Barbuscia
Piano : Roland Conil

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