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Les dernières recommandations de Libre Théâtre

Dans le cadre de la désormais célèbre Semaine Italienne d'Avignon, la Compagnie Rocking Chair Theatre nous proposait hier soir au Théâtre du Balcon un concert marionnettique. Un spectacle qui tout d'abord relève d'une prouesse technique, deux jeunes comédiennes et chanteuses prêtant leurs mains et leurs voix pour animer leurs doubles plus âgées en forme de marionnettes à taille humaine, tandis qu'une troisième manipule les têtes et les visages de ces personnages de commedia dell'arte. Le tout pour un récital de chansons populaires siciliennes, accompagnées à la guitare, au synthétiseur et au tombasse. Il émane de ce numéro burlesque mettant en scène deux vieilles dames plus ou moins indignes mais profondément attachantes un sentiment d'intense humanité. C'est la magie du spectacle vivant et de l'art de la marionnette, quand il est maîtrisé à ce point, que de conférer à une simple poupée de bois, de cuir ou de tissu une présence scénique plus importante encore que celle d'un simple acteur en chair et en os. Ce spectacle est aussi un pied de nez très poétique à la vieillesse, à la déchéance et à la mort. Le discret hommage à Brigitte Fontaine, autre vieille dame indigne de la chanson française devenu icône nationale, allait donc tout à fait de soi. Courez voir ces deux divas décrépies et déjantées, elles vous feront perdre la tête.

Le Rouge Gorge nous proposait ce dimanche, à l’initiative de l’Association Un Vent de Jazz, un voyage aux temps mythiques de la prohibition dans l’Amérique des années folles et des « speakeasies », ces bars clandestins où, bravant les interdits, on pouvait à la fois boire de l’alcool et écouter une musique émergente participant d’une certaine contre-culture. Explorant un répertoire ragtime, charleston, black bottom ou swing, ancré dans les cabarets des grandes villes du Nord plutôt que dans les clubs de la Nouvelle Orléans, ce talentueux et sympathique quintet nous transporte avec ce spectacle dans l’univers interlope des bars légendaires où s’est forgée autour du jazz une culture populaire empreinte d’un esprit de liberté qui allait révolutionner l’Amérique et le monde.

Les Midis à l’Opéra nous proposent, une fois par mois à l’heure du déjeuner, une parenthèse musicale enchantée. Un rendez-vous plébiscité par le public d’Avignon et des alentours. Ce vendredi, les Marx Sisters nous invitaient à un joyeux périple à travers l’Europe à la découverte de la musique et de la culture klezmer. Avec le violoniste Charles Rappoport, l’accordéoniste Raphaël Setty et le contrebassiste Benjamin Chabert, les sœurs Judith et Leah Marx, au chant et à la guitare, ont rassemblé autour d’elles une formation à la fois traditionnelle et originale. Ces jeunes artistes interprètent le répertoire des chansons yiddish et de la musique klezmer avec une douceur mêlée de fantaisie, invitant aussi bien à la joie qu’à la mélancolie, la musicalité et la richesse des harmonies vocales résonnant par ailleurs à merveille dans la très intimiste salle des Préludes de l’Opéra Grand Avignon. Un spectacle complet, plein d’humour, qui a vite emporté l’enthousiasme d’un public conquis. Si vous n’avez pas encore eu la chance d’entendre les Marx Sisters, ne manquez pas Drom’n’Klez, le festival de musique klezmer, qu’elles organisent ce week-end à Dieulefit.

Café Müller, créé par Pina Bausch en 1978, est une œuvre emblématique dans l'histoire de la danse contemporaine. Chaque mouvement, chaque déplacement et chaque interaction semble constituer les éléments constitutifs d’une bible originelle à laquelle se réfèrent tous les chorégraphes depuis. Boris Charmatz, le nouveau directeur artistique du Tanztheater Wupertal, nous invite avec Forever à une immersion totale dans Café Müller. Pendant sept heures, vingt-cinq danseurs se relaient pour interpréter cette pièce mythique, dans une transe, envoûtante et cathartique. L’interprétation a cappela des airs de Purcell par Julien Ferranti décuple l’émotion. Chaque performance est accompagnée de témoignages d’auteurs et de danseurs, figures historiques ou nouveaux interprètes, offrant des éclairages singuliers, parfois pleins d’humour, sur cette œuvre majeure. Le public participe aussi à sa façon à cet atelier imaginaire : inconfortablement installés à dessein sur des praticables au contact direct des danseurs, debout sur les passerelles ou plus classiquement assis dans des fauteuils, les spectateurs sont invités à se déplacer afin de varier les points de vue. Tentant parfois maladroitement de se mouvoir avec la même grâce que les artistes, le public devient partie intégrante de cette expérience unique. Un spectacle coup de cœur de Libre Théâtre.

Alexis HK et Benoît Dorémus nous proposent un tour de chant théâtralisé, composé de chansons à thème et d'intermèdes en forme de sketchs faussement ou parfois vraiment improvisés. L'univers est à la fois poétique et humoristique. Ce duo comique et romantique fonctionne à merveille, la voix chaude et la nonchalance du premier se combinant parfaitement avec la voix plus perchée et le caractère plus mordant du deuxième. Le spectacle dans son ensemble apparaît comme un éloge de la modestie, l'apparente superficialité du propos cachant une profonde sensibilité aux petites choses de la vie, qui en font tout le sel. On est vite conquis par cet irrésistible duo aux allures de Simon and Garfunkel sous Prosac, dissertant dans leur loge avant un concert sur la vanité de l'existence en général et du showbiz en particulier. Un coup de cœur de Libre Théâtre.

Actualité du répertoire de Jean-Pierre Martinez

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