Thermidor de Victorien Sardou

Drame historique en quatre actes, représenté pour la première fois le 24 janvier 1891 à la Comédie-Française puis retiré de l’affiche le 27 janvier. La pièce a été représentée dans une nouvelle version le 2 mars 1896 au Théâtre de la Porte Saint-Martin. La version retraitée par Libre Théâtre est la seconde version, saisie à partir de l’édition de l’Illustration théâtrale 1906 N° 38 (Source : Bodleian Libraries. Les dernières pages manquent sur le document numérisé ; un exemplaire papier a été consulté par Libre Théâtre à la Bibliothèque de la Comédie-Française pour compléter la saisie).
Distribution : 25 hommes et 4 femmes
Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

L’argument

 À la veille du 9 Thermidor, deux amis se retrouvent par hasard. Labussière est un comédien qui a dû se reconvertir  : il est maintenant commis aux écritures dans le bureau des détenus du Comité de Salut public et profite de cette place pour sauver quelques amis de la guillotine, en escamotant leurs dossiers. Martial Hugon, commandant d’artillerie, aide de camp de Jourdan, est à la recherche de Fabienne Lecoulteux, une jeune femme qu’il a recueillie et qu’il a confiée à une parente. Fait prisonnier à la guerre, il n’a pu donner de ses nouvelles pendant de longs mois. De retour à Paris, il recherche Fabienne qui a disparu à la suite du décès de la vieille parente. Il la retrouve alors qu’elle est poursuivie par des femmes qui l’accuse d’être une aristocrate religieuse. Grâce à Labussière, elle peut s’échapper. Une fois à l’abri, Labussière recommande à Martial de convaincre Fabienne de partir avec lui de Paris et de l’épouser. Mais Fabienne refuse  : pensant que Martial était décédé, elle a prononcé ses vœux. Martial réussit à la convaincre de renoncer à ces vœux, mais une lettre qu’elle a adressé à ses amies religieuses est interceptée et elle est arrêtée, alors que Labussière et Martial se trouvent dans les bureaux du Comité de Salut Public. Martial demande à Labussière d’échanger le dossier de Fabienne contre un autre dossier. On annonce alors l’arrestation de Robespierre mais les tribunaux fonctionnent toujours. Martial et Labussière se précipitent à la Conciergerie où Fabienne est enfermée. Elle est condamnée. La seule façon de la sauver est de déclarer qu’elle est enceinte  : elle refuse ce déshonneur…

Dans la première version de la pièce, Martial Hugon insulte les bourreaux et est abattu. Fabienne Lecoulteux est ensuite menée à la guillotine.

Dans la seconde version de 1896, un épisode est ajouté  :  à l’instigation de Labussière, devant le courage de Fabienne les femmes du lavoir tentent de la sauver. Mais Fabienne refuse de signer le document où elle déclare être enceinte. Martial Hugon insulte les bourreaux et est abattu. Fabienne Lecoulteux est ensuite menée à la guillotine.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53118118x/f1.item
Le théâtre illustré, Thermidor, drame de M. Victorien Sardou, représenté à la Comédie-Française : scène finale du dernier acte : [estampe] / dessin de M. Édouard Zier [sig.] ; H. Dochy sc. [sig.] . 1891. Source : BnF/Gallica

Histoire de la pièce

La première de la pièce, le 24 janvier 1891 à la Comédie-Française rencontre un vif succès, mais lors de la deuxième représentation, de nombreux incidents se déroulent. La pièce est jugée réactionnaire par les républicains radicaux  : la République semble encore très fragile.
Clemenceau intervient à la tribune de la Chambre des députés le 29 janvier 1891 dans un célèbre discours. Il refuse de faire le tri entre « bons » et « mauvais » révolutionnaires. La Révolution française est un « bloc », qu’il faut accepter ou rejeter dans son intégralité, car le combat révolutionnaire continue.
Un extrait du discours  :

M. Clemenceau.
Messieurs, il a été joué à la Comédie Française une pièce évidemment dirigée contre la Révolution française. (Très bien ! très bien ! sur les mêmes bancs à gauche. – Dénégations au centre.) Il est temps d’écarter toutes les tartuferies auxquelles on a eu recours pour dissimuler la réalité. (Vifs applaudissements à gauche.) Assurément, on n’a pas osé faire ouvertement l’apologie de la monarchie contre la République. On ne pouvait pas le faire à la Comédie Française. On a pris un détour, on s’est caché derrière Danton. Depuis trois jours, tous nos monarchistes revendiquent à l’envi la succession de Danton. (Rires et applaudissements à gauche. – Interruptions à droite.)
J’admire, quant à moi, combien de dantonistes inattendus ont surgi tout à coup de ce côté (la droite) de la Chambre : (Applaudissements à gauche et au centre.)
Toute cette comédie n’eût pas dû revivre ici. Il est temps d’en finir avec ces tartuferies indignes de cette Assemblée. (Interruptions et bruit.)
Je dis et je répète, puisqu’on m’interrompt, que la pièce est tout entière dirigée contre la Révolution française. Voyez plutôt qui l’applaudit, et dites-moi qui pourrait s’y tromper.
….
Messieurs, que nous le voulions ou non, que cela nous plaise ou que cela nous choque, la Révolution française est un bloc. (Exclamations à droite. Nouveaux applaudissements à gauche.)
….
Et maintenant, si vous voulez savoir pourquoi, à la suite de cet événement sans importance d’un mauvais drame à la Comédie Française, il y a eu tant d’émotion dans Paris, et pourquoi il y a à l’heure présente tant d’émotion dans la Chambre, je vais vous le dire.
C’est que cette admirable Révolution par qui nous sommes n’est pas finie, c’est qu’elle dure encore, c’est que nous en sommes encore les acteurs, c’est que ce sont toujours les mêmes hommes qui se trouvent aux prises avec les mêmes ennemis.
Oui, ce que nos aïeux ont voulu, nous le voulons encore. (Applaudissements à gauche.)
Nous rencontrons les mêmes résistances. Vous êtes demeurés les mêmes ; nous n’avons pas changé. Il faut donc que la lutte dure jusqu’à ce que la victoire soit définitive.
En attendant, je vous le dis bien haut, nous ne laisserons pas salir la Révolution française par quelque spéculation que ce soit, nous ne le tolérerons pas ; et, si le Gouvernement n’avait pas fait son devoir, les citoyens auraient fait le leur.

Source : Assemblée nationale 

Victorien Sardou se défend en indiquant que la pièce dénonce seulement le despotisme de Robespierre et la Terreur.
La pièce est de nouveau à l’affiche en 1896 au Théâtre de la Porte Saint-Martin avec quelques modifications  : les femmes du lavoir tentent de sauver Fabienne.

Pour aller plus loin

POUFFARY Marion, « 1891, l’affaire Thermidor », Histoire, économie & société 2/2009 (28e année) , p. 87-108. sur  Cairn

Le discours de Clémenceau sur le site de l’Assemblée Nationale

Thermidor sera évoqué lors des Journées Particulières de la Comédie Française le 7 janvier 2017. Programme en cours. Site de la Comédie Française

Thermidor sur Gallica

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531181161/f1
Comédie-Française, Thermidor, drame en quatre actes, de M. Victorien Sardou : Fabienne, Mme Bartet, quittant la Conciergerie pour marcher sur l’échafaud, 4me acte : [estampe] . 1891. Source : BnF/Gallica

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53118115k/f1.item
Comédie-Française, Thermidor, drame en quatre actes, de M. Victorien Sardou : la scène entre Labussière, Coquelin, et le pourvoyeur, au 1er acte : [estampe]. 1891. Source : BnF/Gallica

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53118120r/f1
Théâtre de la Porte-Saint-Martin, Thermidor, drame de M. V. Sardou : la Convention : [estampe] / F. Meaulle [sig.] . 1896. Source : BnF/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8406014z/f18.item
Décor du premier acte. 1891. Source : BnF/Gallica
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8406014z/f23.item
Costumes de la Maison Millet. Théâtre de la Porte Saint-Martin, 02-03-1896 . Source : BnF/Gallica
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