La Cruche  ou J’en ai plein le dos de Margot de Georges Courteline et Pierre Wolff

Comédie en 2 actes créée au Théâtre de la Renaissance le 27 février 1909. La pièce est entrée au répertoire de la Comédie-Française le 5 février 1919.
Distribution  : 4 hommes et trois femmes
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L’argument

Lauriane est impatient de recevoir une dépêche qui lui confirmera qu’il est récipiendaire des palmes académiques… Margot sa maîtresse et Ursule sa bonne subissent sa mauvaise humeur jusqu’à l’arrivée de Camille que Lauriane courtise.  Camille a pour amant le peintre Lavernié qui doit lui envoyer la dépêche pour les palmes. Lorsque  Lauriane apprend qu’il n’a pas obtenu les palmes, il propose à Lavernié de prendre Margot pour maîtresse. Au second acte, on retrouve Margot dans l’atelier de peintre de Lavernié, échangeant avec lui des mots doux. Mais Laurianne arrive, accuse son ami de traîtrise et demande Margot en mariage.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53049976j
Félix Galipaux et Lucien Guitry dans « J’en ai plein l’dos d’Margot » de Georges Courteline et Pierre Wolff / dessin de Yves Marevéry. 1909. Source : BnF/Gallica

Les personnages principaux

Le ton de cette pièce est plus acerbe et ironique que les autres pièces de Courteline. La psychologie des personnages est plus développée :

Margot
« Je suis devenue sa maîtresse par la raison que je suis incapable d’être la mienne. Il voulait ; je ne voulais pas ; à la fin, j’ai bien voulu : voilà tout le roman de mes amours qui est, en même temps, toute l’histoire de ma vie. Je ne veux pas ; on veut ; à la fin, je veux bien : c’est aussi simple que cela et voilà, en deux coups de crayon, le portrait de votre petite amie. Ce n’est pas de chance, d’être ainsi bâtie. Que voulez-vous que j’y fasse ? On ne se refait pas. Du reste, la chance et moi… (…)
Je ne fais pas l’intéressante ; je dis seulement : « La chance et moi… », parce que vraiment, la chance et moi… Jamais je n’ai eu de chance ; jamais. A la maison, maman me battait sous prétexte que je faisais la noce. A l’atelier, on se moquait de moi parce que, justement, je n’avais pas d’amoureux et que, par-dessus le marché, je ne trouve rien à répondre quand on me tourne en ridicule. Je ne sais que pleurer ! Ce n’est pas de ma faute !… Tout cela, inévitablement, devait me livrer, un jour ou l’autre, au premier passant venu qui me tendrait les bras. Ce fut Charles qui passa. J’étais à plaindre : il me plaignit. Il en eut l’air, du moins, mais je n’en demandais pas plus, car c’est le malheur de ma vie de m’en remettre aux apparences et de croire les gens sur parole. Tous les soirs, à la sortie du travail, je le trouvais qui m’attendait au coin de la rue Vide-Gousset et de la place des Victoires. Nous nous en revenions ensemble par le Métro, et, des fois, avant de se quitter, comme c’était dans la belle saison, on s’arrêtait à prendre un petit quinquina, chez un troquet de Ménilmontant, où il y a des tables sous les arbres. On était bien, on était seuls… La fraîcheur tombait, comme elle tombe ; la nuit venait, comme elle vient ; on entendait de temps en temps siffler au loin les trains de Ceinture, comme à présent ceux de Vincennes…
(Baissant la voix, comme honteuse.)
Ça fait qu’un soir je me suis laissé prendre la main, un autre soir la taille, un autre soir la bouche… comme, toute petite, je me laissais prendre mes joujoux, mes sous, mes images, mon dessert, faute de savoir me défendre. Je n’ai jamais su me défendre. Je ne peux pas ; on me demande, je donne. »

Lauriane parlant à Margot
« Tu dois te taire. (…) Il n’y en a qu’un qui a le droit d’élever la voix ici. C’est moi. Que tu brises ma carrière, passe encore !… Mais que tu me casses les oreilles, non. (…) Car plus je réfléchis, et plus je me souviens ! Avec ton air de ne pas y toucher, sais-tu bien que, grâce à toi, j’ai tout manqué, tout perdu, tout raté, tout gâché ! Un mariage superbe, inespéré ! Une place merveilleuse au Tonkin ! De l’avancement. De l’augmentation ! Ces palmes !… Ces palmes auxquelles je ne tenais pas… mais que je désirais avoir pour flatter ta vanité ! Autant de rêves envolés ! Eh bien, j’en ai ma claque, là ! Ce métier de forçat m’est devenu odieux… (En frappant du poing sur la table.) J’en ai assez ! J’en ai assez ! J’en ai assez ! »

Lavernié.
« Oh ! moi, mon bon, je suis comme beaucoup d’autres : je deviens vieux tout doucettement. Je m’éveille tous les matins avec un jour de plus que la veille, et j’en pleure de rage jusqu’au soir. A part cela, je relis les lettres des maîtresses qui m’ont trompé et des amis qui m’ont trahi ; je compte mes rides du bout de mon doigt en me regardant dans la glace, et quand j’ai une minute à moi, je retouche mon testament, ou j’y ajoute un codicille. Enfin, je me distrais, quoi ! Je m’amuse. »

Sur le site de l’INA

Enregistrement audio par la Société des Comédiens Français : lien sur le site de l’INA

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