Repentance de Carmen Ching Man Lo et Owen Kwok Ka Hei

Du 5 au 28 juillet à 21h30
Pixel Avignon Salle Bayaf 10, rue de la Carreterie – 84000 Avignon

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Pour clore cette édition 2019 du Festival d’Avignon, pendant laquelle Libre Théâtre aura assisté à près de 80 représentations, et aura publié une cinquantaine de recommandations, nous avons pris part hier à un « spectacle » hors du commun. Car pour désigner cette performance à laquelle le public était appelé à participer au Pixel d’Avignon, il faudrait inventer un nouveau terme. « Spectacte », peut-être. On appelle performatif, en linguistique, les discours qui constituent en eux-mêmes un acte (je vous autorise ou je vous interdis, par exemple). Alors que le théâtre qui se veut politique, en France, n’est souvent qu’un commentaire quand il n’est pas un bavardage, « Repentance » est un acte de résistance. Présenté par des Hongkongais, ce spectacle (en chinois sous-titré en français et en anglais) a pour sujet la résistance qui s’organise à Hong Kong contre la « loi d’extradition », qui consiste à autoriser les autorités locales à extrader vers la Chine pour y être jugés les contrevenants aux lois de la « République Populaire ». Autant dire l’autorisation de livrer à la police politique d’une dictature les citoyens d’un territoire minuscule jusque-là protégés par le principe de « un pays, deux systèmes », mis en avant par la Chine à la seule fin de reprendre aux Anglais en douceur un îlot de prospérité et de démocratie. Hong Kong, c’est un peu le village d’Astérix, se battant à mains nues pour ne pas être absorbé par un empire dictatorial, avec pour seule potion magique le courage et la foi en la liberté. Combat dérisoire mais sublime. Le titre du spectacle, « Repentance », fait référence aux actes de contrition que la police politique chinoise contraint ses citoyens (ou même les étrangers) à signer, après les avoir enlevés et mis au secret, pour abjurer leurs fautes imaginaires, consistant seulement à ne pas se soumettre corps et âmes aux lois de la dictature chinoise. Ce courageux spectacle ne suffira évidemment pas à mettre à bas ce régime d’oppression, mais il servira au moins à nous alerter un peu plus, et d’une autre manière, sur ce qui se joue actuellement à Hong Kong : la défense des libertés civiques et de la liberté tout court. Une liberté même imparfaite qui vue d’ici nous paraît un acquis, mais dont il est bon de rappeler qu’il ne faut pas cesser de se battre pour la conserver et la parfaire. La liberté, c’est comme une bicyclette : quand elle n’avance pas elle tombe. Merci au Pixel d’avoir programmé ce spectacle sans concession, et de nous avoir permis ainsi de participer très modestement à cet acte de résistance. Hong Kong est venu à Avignon pour nous parler. Parlons de Hong Kong, avant que la Chine ne lui coupe définitivement la parole. Et la langue avec. Curieusement, nous n’étions que deux Français dans cette salle peu nombreuse, où les latino-américains étaient majoritaires. Sans doute parce qu’ils ont un souvenir plus récents de ce qu’est la dictature. Merci à cette troupe courageuse d’être venue à Avignon et de redonner ainsi un sens à un festival qui en manque parfois. C’est en défendant aussi ce genre de spectacles que Libre Théâtre justifie son nom. Liberté, écrivons ton nom. Dans toutes les langues et aussi en chinois. Il n’est pas certain que ce spectacle se rejoue après le festival. Mais en parler est déjà un acte de résistance.
Critique de Jean-Pierre Martinez

Metteuse en scène : Carmen Lo Ching Man
Interprètes : Carmen Lo Ching Man, Kwan Yu Cheung, David Bensimhon
Régie : Tat Ming Leung
Vidéo : Ka Ho Chan
Décor : Lik Hang Cheung
Son : San Hong Wan
Lumière : Sai Hang Ho

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