Le couple et la famille dans l’œuvre de Courteline

Courteline propose à travers ses saynètes, des tranches de vie réalistes, souvent cruelles mais toujours comiques. Il s’inspire le plus souvent d’expériences personnelles.

Courteline s’est marié deux fois. En 1892, il épouse Suzanne Fleury, dite Berty, une actrice. Ils auront  deux enfants  : Lucile-Yvonne Moineau, née en 1893, et André Moineau, né en 1895. Après le décès de Suzanne en 1902, il se remariera 5 ans après avec Jeanne Bernheim, également actrice. Son couple et ses relations avec ses enfants fournissent de la matière à ses pièces, comme l’observation attentive de ses amis…

Chaque étape de la vie du couple a fait l’objet de saynètes  : le sexe y est évoqué de manière récurrente de manière plus ou moins explicite…

Ainsi, dans Avant et après, Marthe et René sont couchés l’un près de l’autre, dans l’herbe. René voudrait aller plus loin et multiplie les mots d’amour et de tendresse. Marthe résiste un moment. Le comportement du jeune homme « après » n’est plus le même.

Voici ensuite le couple bien installé. Dans le Maître de Forges, un homme fait la lecture à sa femme et saute de temps en temps une page… Les envies des femmes enceintes et les risques de ne pas les satisfaire sont évoquées de manière cocasse dans Une envie.

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Illustration de Barrère parue dans Les Marionnetes de la Vie, recueil paru en 1900. Source BnF/ Gallica

Les scènes de ménage sont fréquentes  : dans L’Amour de la paix, Monsieur explique comment éviter les disputes, alors que dans La Paix chez soi, l’écrivain Trielle, désireux d’avoir la paix décide de mettre une amende à sa femme pour chaque désagrément qu’elle lui cause, et de lui retenir le total sur sa pension mensuelle. Dans Cochon de coco, ce sont les inquiétudes d’un couple qui pense que son conjoint n’est pas rentré. Vieux ménage met en scène un vieux couple le 31 décembre au soir. L’homme explose : il déteste souhaiter la bonne année à sa femme. Insultes et goujateries se succèdent.

Les plus belles scènes de ménage se trouvent dans Les Boulingrin. Des Rillettes,  un pique-assiette, essaie de s’immiscer chez ce couple. Il pense pouvoir passer d’agréables moments chez eux bien au chaud pendant une bonne partie de l’hiver, mais il se retrouve au centre d’une scène de ménage et devient un prétexte de chamaillerie supplémentaire, le couple le prenant pour arbitre. La scène bascule jusqu’à devenir absurde :  les meubles de cet intérieur bourgeois typique sont brisés, les insultes et les cris fusent, des coups de revolver partent. La scène s’achève par un incendie.

Si on peut reprocher dans certaines saynètes la misogynie de Courteline, il n’est souvent pas en reste pour mettre en scène des maris couards. De retour d’une soirée, Lui ne supporte pas que des hommes fassent la cour à sa femme ni  même lui parlent, mais il est incapable de leur demander des comptes. Elle le provoque. (La peur des coups ). Dans Un coup de fusil, Monsieur rentre effondré  : il a reçu un coup de fusil dans le tramway  !

L’infidélité est aussi présente dans l’oeuvre de Courteline, mais est évoquée de manière légère.

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Illustration de Théophile-Alexandre Steinlen, extrait du « Gil Blas illustré », Steinlen 1894. Source : BnF/Gallica

Il s’en moque dans Les locutions complaisantes  : entre sa femme et sa maîtresse, un homme hésite. Autre tentative d’infidélité  : alors que sa femme est partie en voyage, un homme attend la visite d’une jeune femme. Sa sonnette n’arrête pas de retentir, mais à chaque fois, ce n’est pas la visite qu’il attend.. (Ma femme est en voyage ). Dans Gros chagrins, une femme trompée vient conter ses malheurs chez une amie. Tout le dialogue est une alternance de pleurs déchirants et de remarques totalement futiles.

Courteline s’intéresse aussi au mari trompé dans L’extra-lucide,  Monsieur Ledaim, inquiet de la disparition de sa femme, se présente chez une voyante, qui utilise ses pouvoirs paranormaux supposés pour lui apprendre que sa femme le trompe  ; mais également dans Monsieur Félix  : un couple et son fils est dérangé par la visite d’un ami M. Félix. Monsieur charge sa femme de le mettre à la porte.

Le comble du ridicule est atteint dans L’honneur des Brossarbourg  : Madame de Brossarbourg  craint pour son honneur car quelqu’un lui a mis la main aux fesses.  Elle raconte à son mari que pour s’assurer de l’identité de l’auteur de ces attouchements, elle a couché avec tous ses invités : Monsieur de Proutrépéto, Monsieur de Poilu-Boudin, le général baron de la Rossardière.M de Brossarbourg rit de la bêtise de sa femme : c’est lui qui en était l’auteur…

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Couverture de l’édition de 1910

Les enfants sont présents dans plusieurs saynètes. En bas âge (l’enfant s’appelle souvent Toto), il est souvent insupportable (Invite Monsieur à dîner), enchaîne les gaffes (Le nez du général Suif), ou ne comprend pas les situations ambiguës (Premier en anglais, Monsieur Félix). Parfois les mères ne sont pas à la hauteur  : le Petit Malade, ou la Présentation  : alors que Sigismond va faire son entrée dans le monde et rencontrer sa future belle-famille, Mme Poisvert, sa mère, lui prodigue  moult conseils et regrette de n’avoir pas été plus sévère avec lui.

Sigismond  est également le titre d’une saynète où un jeune homme éprouve la plus grande des honte face à sa mère qui ne cesse publiquement de lui faire des remarques (dans une autre situation, il s’appelle Godefroy).

Enfin, Courteline a immortalisé Théodore, le jeune homme ivre qui rentre chez son père à trois heures du matin. Dans les escaliers de son immeuble, il dérange tous les voisins. Puis, cherchant des allumettes dans son appartement, il réveille son père qui est furieux de sa conduite.

Les autres relations familiales ne sont pas évoquées chez Courteline, à l’exception d’une saynète mettant en scène une belle-mère qui accuse son gendre de pornographie (le Pornographe).


Pour explorer l’œuvre théâtrale de Georges Courteline dans Libre Théâtre :

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