Théodore cherche des allumettes  de Georges Courteline

Recueil de plusieurs pièces, illustré d'après les croquis de Barrère, paru en chez Fayard en 1913. Source : BnF/ Gallica
Recueil de plusieurs pièces, illustré d’après les croquis de Barrère, paru en chez Fayard en 1913. Source : BnF/ Gallica

Saynète représentée pour la première fois au Grand-Guignol le 10 octobre 1897.
Distribution : 2 hommes et des figurants.

Texte à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

A trois heures du matin, le jeune Théodore rentre chez lui après une fête, complètement ivre. Dans les escaliers de son immeuble, il dérange tous les voisins. Puis, cherchant des allumettes dans son appartement, il réveille son père qui est furieux de sa conduite.

Enregistrements audios

  • Enregistrement audio de 1953 disponible sur Gallica
  • Enregistrement audio de 1968 avec Michel Simon, Label Jacques Canetti

Theodore_Michel_simonA propos de cet enregistrement, interview de Michel Simon sur le site de l’INA. Il parle des textes qu’il vient d’enregistrer sur disque : « Rapport pour une Académie » de Franz KAFKA, et « Théodore cherche des allumettes » de Georges COURTELINE. Il raconte une anectdote à propos de ce dernier texte, qu’il a joué en 1932 en début de programme de la représentation d’une pièce de Somerset MAUGHAM « Le cercle ».

  • Lien vers l’enregistrement audio réalisé par le site  courteline.org

Un extrait

Le voisin.
Encore soûl ; naturellement ! Vous croyez que c’est pas malheureux ! Un crapaud de c’t’âge-là, rentrer dans des états pareils !
La voix de Théodore.
… ma clef qui tombe.
Le voisin.
Votre clef !
La voix de Théodore.
Oui, ma clef.
Le voisin.
Ça suffit !
La voix de Théodore.
C’est-y de ma faute à moi, si j’ai pas d’allumettes ?
Deuxième voisin.
Je vous dis que vous êtes soûl ! Propre-à-rien ! Saligaud ! Vous allez voir, demain matin, si je ne le dis pas à votre père.
La voix de Théodore.
… bien égal !
Deuxième voisin.
Sans coeur ! Galopin ! Et puis qu’elle tombe encore, vot’ clef ! qu’elle tombe encore ! C’est à moi que vous aurez affaire ! — Quelle sale génération, bon Dieu !
Bruit d’une porte violemment refermée.

La voix de Théodore, après un silence.
Va donc, eh !
Nouveaux grincements de clé dans la serrure, puis apparition de Théodore par la porte entrepoussée. C’est un collégien de dix-sept à dix-huit ans, au visage blême de crétin éreinté. Il porte le képi de Saint-Louis. Sa tunique pincée sur les hanches, d’un bouton, lui fait une taille d’abeille.
Où sont les allumettes ? C’est rigolo c’t’ oss…ination à me cacher les allumettes. Dirait-on pas que je vas mettre le feu ?… J’suis pas un enfant ; le diable y serait !… Je sais me conduire dans l’existence. (Il dit et s’étale bruyamment. Sur quoi, avec le plus grand calme:) Pas moi qui glisse… c’est le parquet. (Se redressant péniblement.) Oh ! c’est que moi j’ai ça d’agréable ; je peux avoir mon compte bien pesé, pas moyen qu’on s’en aperçoive. Bon oeil, bon pied ; et pas le moindre embarras dans la langue !… sauf pour certains mots difficiles, comme, par exemple, l’oss…ination. – C’est pas que je ne puisse pas les dire ! Non ! c’est que, véritablement, on ne peut pas les prononcer. La langue française est pleine de difficultés. Tous les étrangers vous le diront. (Cependant de ses mains hésitantes d’aveugle, il heurte le bord de la table. Alors, satisfait:) La cheminée ! Le porte-allumettes n’est pas loin. – Ah ! le voilà ! (Il plonge ses doigts dans l’encrier. Surpris:) Non ! (Il goûte.) C’est un oeuf. Si je connaissais l’imbécile qui m’a fichu un oeuf sur ma cheminée, je lui apprendrais mon nom de baptême. Y a pas de bon sens. Une cheminée, c’est pas une place à mett’ des oeufs. (Un temps.) J’ai rudement rigolé, cré nom ! Trouduc a été époilant !… sauf quand il a voulu entrer dans un fiacre en passant par la lanterne !… (Egayé.) Croyez-vous, non, mais croyez-vous, cette idée d’entrer dans un fiacre en passant par la lanterne ! (Ses doigts, qui errent à l’aventure, rencontrent les panneaux supérieurs du buffet.) La fenêtre !… Si je donnais un peu d’air. (Il ouvre tout grand le buffet, et demeure planté, s’éventant, aspirant avec délice l’haleine d’une nuit embaumée. A la fin:) Drôle de printemps ! Il fait noir comme dans un four et ça sent le gruyère à plein nez… Jamais vu un mois de mai pareil !…

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