Le théâtre d’Alfred de Musset

Le théâtre de Musset est aujourd’hui très régulièrement à l’affiche. Écrites à différentes périodes de sa vie, ses pièces proposent une exploration des sentiments amoureux. En s’affranchissant des contraintes liées aux conventions de représentation du XIXème pour écrire des « spectacles dans un fauteuil », Musset offre aux metteurs en scène d’aujourd’hui une très grande liberté pour imaginer des dramaturgies et des espaces scéniques originaux.

Lien vers la Biographie d’Alfred de Musset sur Libre Théâtre

Drames

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9016289w/f1.item
Sarah Bernhardt dans Lorenzaccio Théâtre de la Renaissance. Affiche de Mucha.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84060569/f2.item
Lorenzaccio, documents iconographiques de la création au Théâtre de la Renaissance, le 03-12-1896. Source BnF/Gallica

Lorenzaccio (1834) : le chef d’œuvre de Musset, ayant donné lieu à plusieurs mises en scène remarquables à retrouver sur Libre Théâtre.
André del Sarto  (1833): drame peu souvent représenté à la scène, l’affrontement des sentiments d’amour et d’amitié.


Proverbes

Les « proverbes dramatiques » étaient très en vogue dans les salons mondains parisiens et à la Cour au XVIIème et XVIIIème siècles. Ils étaient improvisés, illustrant un proverbe que l’auditoire devait deviner.  Avec ses proverbes, Musset donne une dimension morale aux comédies de mœurs qui se développent au XIXème siècle. Ce sont de courtes pièces.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53049902v
Julia Bartet dans « On ne badine pas avec l’amour », Dessin de Yves Marevéry Comédie-Française 1906. Source : BnF/Gallica

On ne badine pas avec l’amour (1834) : de la comédie à la tragédie, l’histoire d’une fièvre amoureuse sans concession.
Il ne faut jurer de rien (1836) : sur un thème proche d’On ne badine pas avec l’amour, la comédie s’achève sur un dénouement heureux.
Faire sans dire (1836) : proverbe mettant en scène un musicien vertueux et deux fuyards, un abbé et une jeune fille.
Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée (1845) : une joute amoureuse
On ne saurait penser à tout (1849) : difficile conversation entre deux amoureux étourdis et distraits.
L’Âne et le Ruisseau (1855) : l’aide d’un ami pour accélérer une difficile demande en mariage.


Comédies en prose

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6434893n/f157
Oeuvres complètes illustrées. Illustrations de Charles Martin. 1927. Source : BnF/Gallica

La Nuit vénitienne (1830) : un noble ruiné aime une jeune fille qui doit épouser un prince allemand
Les Caprices de Marianne (1833)  : drame plutôt que comédie, sur l’amour, l’amitié et la trahison
Fantasio (1834) : un jeune homme se fait passer pour le bouffon du roi au moment où la princesse doit se marier
Barberine (1835) : conte joyeux sur la fidélité
Le Chandelier (1835) : des amants pour détourner les soupçons du mari choisisse un jeune homme afin que le mari concentre ses griefs contre lui
Un caprice (1837) : une jeune épouse délaissée
Bettine (1851) : une cantatrice doit épouser un marquis encore hésitant
Carmosine (1850) : une jeune fille tombe amoureuse du roi, qui est déjà marié. 


Comédies et poèmes dramatiques en vers

La Coupe et les lèvres (1831) : histoire d’un jeune révolté
À quoi rêvent les jeunes filles (1832) : naissance du sentiment amoureux chez deux jeunes filles
Louison (1849) : une jeune gouvernante se fait courtiser par un jeune Duc ; sa jeune épouse est désespérée.

Note :  nous n’avons pas fait figurer les textes inachevés.


Extrait de la dédicace à Alfred T.

Cette dédicace qui figure au début du recueil Un Spectacle dans un fauteuil de 1823 donne un éclairage sur la démarche d’Alfred de Musset…

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10520366z/f1.item
Barberine (Acte III). Source : BnF/Gallica

Je ne fais pas grand cas, pour moi, de la critique.
Toute mouche qu’elle est, c’est rare qu’elle pique.
On m’a dit l’an passé que j’imitais Byron :
Vous qui me connaissez, vous savez bien que non.
Je hais comme la mort l’état de plagiaire ;
Mon verre n’est pas grand, mais je bois dans mon verre.
C’est bien peu, je le sais, que d’être homme de bien,
Mais toujours est-il vrai que je n’exhume rien.

Je ne me suis pas fait écrivain politique,
N’étant pas amoureux de la place publique.
D’ailleurs, il n’entre pas dans mes prétentions
D’être l’homme du siècle et de ses passions.
C’est un triste métier que de suivre la foule,
Et de vouloir crier plus fort que les meneurs,
Pendant qu’on se raccroche au manteau des traîneurs.
On est toujours à sec, quand le fleuve s’écoule.
Que de gens aujourd’hui chantent la liberté,
Comme ils chantaient les rois, ou l’homme de brumaire !
Que de gens vont se pendre au levier populaire,
Pour relever le dieu qu’ils avaient souffleté !
On peut traiter cela du beau nom de rouerie,
Dire que c’est le monde et qu’il faut qu’on en rie.
C’est peut-être un métier charmant, mais tel qu’il est,
Si vous le trouvez beau, moi, je le trouve laid.
Je n’ai jamais chanté ni la paix ni la guerre ;
Si mon siècle se trompe, il ne m’importe guère :
Tant mieux s’il a raison, et tant pis s’il a tort ;
Pourvu qu’on dorme encore au milieu du tapage,
C’est tout ce qu’il me faut, et je ne crains pas l’âge
Où les opinions deviennent un remord.

Vous me demanderez si j’aime ma patrie.
Oui ; — j’aime fort aussi l’Espagne et la Turquie.
Je ne hais pas la Perse, et je crois les Indous
De très honnêtes gens qui boivent comme nous.
Mais je hais les cités, les pavés et les bornes,
Tout ce qui porte l’homme à se mettre en troupeau,
Pour vivre entre deux murs et quatre faces mornes ;
Le front sous un moellon, les pieds sur un tombeau.

Vous me demanderez si je suis catholique.
Oui ; — j’aime fort aussi les dieux Lath et Nésu.
Tartak et Pimpocau me semblent sans réplique ;
Que dites-vous encor de Parabavastu ?
J’aime Bidi, — Khoda me paraît un bon sire ;
Et quant à Kichatan, je n’ai rien à lui dire.
C’est un bon petit dieu que le dieu Michapous.
Mais je hais les cagots, les robins et les cuistres,
Qu’ils servent Pimpocau, Mahomet ou Vishnou.
Vous pouvez de ma part répondre à leurs ministres
Que je ne sais comment je vais je ne sais où.

Vous me demanderez si j’aime la sagesse.
Oui ; — j’aime fort aussi le tabac à fumer.
J’estime le bordeaux, surtout dans sa vieillesse ;
J’aime tous les vins francs, parce qu’ils font aimer.
Mais je hais les cafards, et la race hypocrite
Des tartufes de mœurs, comédiens insolents,
Qui mettent leurs vertus en mettant leurs gants blancs.
Le diable était bien vieux lorsqu’il se fit ermite.
Je le serai si bien, quand ce jour-là viendra,
Que ce sera le jour où l’on m’enterrera.

Vous me demanderez si j’aime la nature.
Oui ; — j’aime fort aussi les arts et la peinture.
Le corps de la Vénus me paraît merveilleux.
La plus superbe femme est-elle préférable ?
Elle parle, il est vrai, mais l’autre est admirable,
Et je suis quelquefois pour les silencieux.
Mais je hais les pleurards, les rêveurs à nacelles,
Les amants de la nuit, des lacs, des cascatelles,
Cette engeance sans nom, qui ne peut faire un pas
Sans s’inonder de vers, de pleurs et d’agendas.
La nature, sans doute, est comme on veut la prendre.
Il se peut, après tout, qu’ils sachent la comprendre ;
Mais eux, certainement, je ne les comprends pas.

Vous me demanderez si j’aime la richesse.
Oui ; — j’aime aussi parfois la médiocrité.
Et surtout, et toujours, j’aime mieux ma maîtresse ;
La fortune, pour moi, n’est que la liberté.
Elle a cela de beau, de remuer le monde,
Que, dès qu’on la possède, il faut qu’on en réponde,
Et que, seule, elle met à l’air la volonté.
Mais je hais les pieds-plats, je hais la convoitise.
J’aime mieux un joueur, qui prend le grand chemin ;
Je hais le vent doré qui gonfle la sottise,
Et, dans quelque cent ans, j’ai bien peur qu’on ne dise
Que notre siècle d’or fut un siècle d’airain.

Vous me demanderez si j’aime quelque chose.
Je m’en vais vous répondre à peu près comme Hamlet :
Doutez, Ophélia, de tout ce qui vous plaît,
De la clarté des cieux, du parfum de la rose ;
Doutez de la vertu, de la nuit et du jour ;
Doutez de tout au monde, et jamais de l’amour.
Tournez-vous là, mon cher, comme l’héliotrope
Qui meurt les yeux fixés sur son astre chéri,
Et préférez à tout, comme le Misanthrope,
La chanson de ma mie, et du Bon roi Henri.
Doutez, si vous voulez, de l’être qui vous aime,
D’une femme ou d’un chien, mais non de l’amour même.
L’amour est tout, — l’amour, et la vie au soleil.
Aimer est le grand point, qu’importe la maîtresse ?
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ?
Faites-vous de ce monde un songe sans réveil.
S’il est vrai que Schiller n’ait aimé qu’Amélie,
Goethe que Marguerite, et Rousseau que Julie,
Que la terre leur soit légère ! — ils ont aimé.

Vous trouverez, mon cher, mes rimes bien mauvaises :
Quant à ces choses-là, je suis un réformé.
Je n’ai plus de système, et j’aime mieux mes aises ;
Mais j’ai toujours trouvé honteux de cheviller.
Je vois chez quelques-uns, en ce genre d’escrime,
Des rapports trop exacts avec un menuisier.
Gloire aux auteurs nouveaux, qui veulent à la rime
Une lettre de plus qu’il n’en fallait jadis !
Bravo ! c’est un bon clou de plus à la pensée.
La vieille liberté par Voltaire laissée
Etait bonne autrefois pour les petits esprits.

….
(intégralité de la dédicace sur Libre Théâtre )

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