Polyeucte mis en scène par Ulysse Di Gregorio

Du 13 Juin au 2 Juillet 2017 au Théâtre de l’Épée de Bois
Cartoucherie Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Du mardi au samedi à 20h30 Samedi et dimanche à 16h00

🙂 Libre Théâtre recommande ce spectacle

La petite salle tout en bois du studio offre un véritable écrin au superbe texte de Corneille. Dès les premiers alexandrins, la mise en scène très sobre d’Ulysse di Gregorio, avec pour tout décor quelques colonnes, nous transporte dans une époque lointaine. Magnifiés par une lumière très étudiée, les costumes, à la fois antiques et contemporains, traduisent parfaitement au fil de la pièce les passions des personnages. Mais c’est surtout l’immense talent des comédiens qui nous fournit les clés pour pénétrer dans le monde des premiers martyrs chrétiens, un monde qui nous semble au départ si étranger, mais qui peu à peu devient le nôtre. Nous sommes d’abord touchés par les rôles de femmes, Pauline et sa servante superbement interprétées, puis petit à petit bouleversés par l’enthousiasme exalté puis la joie extatique de Polyeucte.

Un spectacle envoûtant.

 

 

Mise en scène Ulysse Di Gregorio
Avec Johann Proust, Coline Moser, Grégory Frontier, Hugo Tejero, Jean-Daniel Bankole, Anaïs Castéran, Adrien Naisse, Benjamin Zana.
Scénographie Lumières Benjamin Gabrié
Costumes Salvador Mateu Andujar
Production Cie des Orfévres 

Lien vers le site du Théâtre de l’Épée de Bois
Lien vers l’Entretien de Libre Théâtre avec Antonio Díaz-Florián, directeur du Théâtre de l’Épée de Bois
Lien vers la chronique de la pièce sur Libre Théâtre


Note d’intention du metteur en scène

Quel écho peut trouver à notre époque le martyr d’un seigneur arménien du IIIème siècle qui se dresse seul, au nom d’un Dieu unique, contre l’ordre religieux et politique de l’Empire romain, fondé sur le polythéisme ?

Comment comprendre, partager ou admirer l’exaltation d’un personnage qui décide de tout sacrifier : amour, carrière, honneurs, et jusqu’à sa vie pour un Dieu qui vient à peine de se révéler à lui ?
Dont l’enthousiasme iconoclaste et le propos vengeur ont toutes les apparences de la démesure ?

On peut penser que le Polyeucte de Corneille, « tragédie chrétienne » qui présente les principes d’une dévotion inspirée par la Contre-Réforme et d’une religion qui serait bientôt au fondement de la monarchie de droit divin, est relativement étranger à l’esprit de notre siècle – en particulier dans notre pays, où l’Etat a définitivement divorcé du religieux.

Je crois pourtant que, derrière les apparences de l’excès et du fanatisme, Polyeucte, ce « sacrilège impie », incarne par sa révolte des vertus morales qui peuvent placer notre époque sous un jour critique.

Par sa conversion, par son acte violent et flamboyant, par son sacrifice enfin, il propose, au nom de la seule vérité, un héroïsme saint qui convertit les esprits et transforme l’ordonnancement politique du monde. Or, notre siècle n’a-t-il pas lui aussi ses idoles familières, qu’une police morale a dressées pour le culte, et devant lesquelles on se prosterne avec l’aveuglement de l’habitude?

Polyeucte ne saurait pour autant se résumer à sa dimension morale et politique. Comme l’indique l’auteur dans son avant-propos, « les tendresses de l’amour humain y font un (…) agréable mélange avec la fermeté du divin». Conformément à la doctrine classique, la volonté d’instruire fait la part belle aux émotions que peuvent procurer le spectacle des passions humaines. Celles-ci sont exaltées de la manière la plus subtile par la rigueur morale de Polyeucte dont rien, ni la raison, ni les menaces, ni les coups, ni la tendresse, ni l’amour, n’est capable d’ébranler la constance.

C’est l’ensemble de ces enjeux, historiques, moraux, politiques et esthétiques, que je me suis attaché à traduire en mettant en scène un Polyeucte actuel : en optant pour des décors, des costumes et une scénographie dont la sobriété préserve la référence antique tout en restant en accord avec l’esprit de notre époque ; en privilégiant une diction modernisée du vers qui ne concède rien à la musicalité de l’alexandrin ; en cultivant l’émotion produite par l’exaltation des passions sans attenter à la retenue qui sied à la dignité de l’action, j’ai voulu proposer un Polyeucte qui soit à la fois strictement fidèle à l’esprit qu’a voulu lui donner son auteur et capable d’émouvoir les spectateurs d’aujourd’hui.

J’espère que ces derniers seront sensibles à l’âme d’un homme qui s’ouvre à la Révélation divine et, consumé d’amour, entraîne les autres à sa suite dans sa folie enthousiaste.

Ulysse Di Gregorio

 

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