Un mari qui lance sa femme d’Eugène Labiche et Raimond Deslandes

Comédie en trois actes représentée pour la première fois au théâtre du Gymnase à Paris le 23 avril 1864.
Distribution : 7 hommes, 9 femmes
Texte intégral de la pièce à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre

L’argument

Les Lepinois marient leur fille Thérèse à Olivier de Millancey. Sa jeune sœur Laure a des vues sur son cousin Robert, un artiste mais ses parents préfèrent le baron de Mongicourt. Chacun donne à Thérèse quelques conseils avant la nuit de noces. Le mariage passé, Olivier lance sa femme dans le monde lors d’un bal, qui dégénère : Thérèse est extrêmement belle et tous les hommes se pressent autour d’elle, Olivier embrasse Madame de Tremble,  quant à Laure, elle se met à jouer au bacarat…

Un extrait

LAURE.
À nous deux maintenant… maman est partie, nous pouvons causer librement… car, moi aussi, j’ai
mes petits conseils à te donner.
THÉRÈSE.
Toi ?
LAURE.
Oui, j’ai beaucoup réfléchi sur le mariage… c’est un événement qui peut m’arriver d’un moment à
l’autre.
THÉRÈSE.
Dans quelques années…
LAURE.
J’ai dix-sept ans et demi… (Mystérieusement.) et je crois qu’un de ces jours notre cousin Robert
demandera ma main.
THÉRÈSE.
Robert! qui peut te faire penser ?…
LAURE.
Oh ! mille petits signes particuliers… à moi connus.
THÉRÈSE.
Mais espères-tu que mon père voudra l’accorder à un peintre… à un artiste?
LAURE.
Pourquoi pas ? Robert est un excellent garçon… très rangé… et qui a du talent… Il a gagné vingt
mille deux cent sept francs l’année dernière… c’est gentil, de trouver cela sur sa palette !… Enfin, si
nous nous arrangeons… si je l’épouse, j’ai mon programme tout prêt… et je vais te le donner.
THÉRÈSE,
riant.
Voyons ton programme…
LAURE.
C’est surtout dans les commencements qu’il faut mettre son mari au pas et lui faire prendre de
bonnes habitudes… aussi, dès demain matin, je te conseille de mettre ton chapeau et de sortir…
THÉRÈSE.
Pour quoi faire?
LAURE.
Pour établir ton droit… Si ton mari te demande où tu vas, tu lui répondras fièrement :
« Je vais voir ma bonne petite sœur… nous avons à causer!…» De son côté, quand il sortira… il
devra te rendre compte de ce qu’il aura fait, des personnes qu’il aura vues…
THÉRÈSE.
Ça, c’est juste!…
LAURE.
Oh! j’ai étudié la question, va !… Ah! une recommandation capitale !… N’abonne jamais ton mari à
un journal du soir !
THÉRÈSE.
Où est le danger ?
LAURE.
Vois papa… son journal arrive à sept heures… il le lit après dîner… le sang lui monte à la tête… il
s’endort… et la soirée est perdue !
THÉRÈSE.
Oh ! mais tu es très forte !
LAURE.
Autre détail très important!… donne l’ordre à ta cuisinière de lui servir, pendant quelques jours, son
potage froid et sa salade dans des assiettes chaudes…
THÉRÈSE.
Ah! par exemple!… et pourquoi?
LAURE.
Tiens! pour essayer son caractère!… Tu verras tout de suite s’il est aimable ou grognon… et alors, si
toutes ces épreuves-là réussissent, s’il est bien gentil, bien sage, s’il te laisse venir voir souvent ta
bonne petite sœur… tu auras bien soin de lui, tu lui feras faire des petits plats sucrés, et tu le
mettras dans du coton… Voilà comment je compte me gouverner avec mon cousin Robert… s’il
demande ma main.

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