Garanti dix ans d’Eugène Labiche

Comédie en un acte d’Eugène Labiche et Philippe Gille. Représentée pour la première fois au Théâtre des Variétés le 12 février 1874.
Distribution : 4 hommes, 2 femmes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.

L’argument

Monsieur Chaponais, bourgeois hypocondriaque, a signé un contrat de 10 ans avec son médecin, Monsieur Martaban, pour qu’il le soigne quotidiennement. Martaban s’est installé dans l’appartement au-dessus de celui de Chaponais pour être plus proche de son malade. Ces messieurs sortent régulièrement, avec leurs épouses, aux spectacles de la vie parisienne.

Mais M. Chaponais est tourmenté, au grand dam de son médecin : il a trouvé dans l’étui à lunettes de Ninette, sa femme, un petit mot doux du jeune Ernest de Pontfarcy.

Un extrait

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6137704h
Emploi thérapeutique du sang de boeuf et de l’arséniate de fer mélangés, par P.-A. Boisson. 1879. Source : BnF/ Gallica

Au lever du rideau, Chaponais a les pieds dans l’eau. Lombard, assis près de lui, fait la lecture d’un journal, un paravent est ouvert derrière eux.

Lombardlisant, un journal à la main.
« Depuis quelques années un fléau s’est abattu sur la France, un fléau qui laisse après lui la ruine et la misère… »

Chaponaisà lui-même.
La politique…

Lombardcontinuant.
« J’ai nommé le Phylloxéra vastatrix… »

Chaponais.
Qu’est-ce que c’est que ça ?

Lombard.
Il paraît que c’est une petite bête qu’on ne voit pas et qui ronge continuellement la vigne. Les préfets ont beau prendre des arrêtés… l’animal ronge toujours.

Chaponais.
Et le vin augmente. (Apercevant Martaban qui entre par le fond.) Ah ! Voilà mon docteur !

Martaban.
Eh bien ! comment nous trouvons-nous ce matin ?

Chaponais.
Vous voyez… je prends mon bain de pieds à la moelle de bœuf.

Martaban.
Très bien… L’eau est à la température prescrite?

Lombard.
Oui, monsieur, trente degrés, voilà le thermomètre.
(Il tire un thermomètre du bain de pieds et l’y remet après l’avoir montré au docteur.)

Chaponais.
Combien de temps m’avez-vous dit de rester là-dedans ?

Martaban.
Quarante minutes.

Chaponais.
C’est bien ennuyeux… Mais Lombard me lit le journal.

Martaban.
Dans une heure n’oubliez pas de prendre vos pilules au sang de bœuf…

Chaponais.
Mais vous me traitez toujours par le bœuf…

Martaban.
Régime fortifiant, tonique…

Chaponais.
Ah ! c’est que vous avez intérêt à ne pas me laisser mourir…

Martaban.
Je crois bien ! D’abord je vous aime. (Il lui tâte le pouls.)

Chaponais.
Oui… et puis je vous ai fait par traité une rente annuelle de dix mille francs…tant que je vivrais…

Martaban.
Je vous ai garanti dix ans…

Chaponais.
C’est bien peu.

Martaban.
Après nous ferons un nouveau bail… mais à une condition, c’est que vous suivrez ponctuellement mes ordonnances…

Chaponais.
Oh !… je n’ai que ça à faire.

Martaban.
Pour mieux vous surveiller, je suis venu m’installer dans la maison… Je demeure au-dessus… je vous fais cinq visites par jour… et comme je passe presque toutes mes journées ici, j’ai fait établir une sonnette de communication entre mon appartement et le vôtre…

Lombarddésignant la sonnette qui est près de la porte d’entrée.
La voilà!…

Martaban.
Quand j’ai des clients là-haut, on me sonne et je monte… Quand vous avez besoin de moi, vous me sonnez et je descends… C’est très commode.

Chaponais.
En effet, c’est très… (Retirant le thermomètre.) Il n’y a plus que vingt-neuf degrés.

Martaban,  à Lombard.
Réchauffez ! (Lombard prend une petite bouillotte et réchauffe.)

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